Suite des réflexions. Tout n’est évidemment pas parfait, j’aurais besoin de revenir sur celles-ci car j’ai depuis trouvé des références pouvant m’aider dans mes écrits, notamment des exemples de représentations des handicaps (bien que ceux-ci me confirment pour le moment que c’est mal employé/mal documenté).

 

II) Représentation et représentativité dans le jeu vidéo.
c) Handicaps et minorités, tous oubliés ?

Pour contrer cette intersectionnalité et l’intégration de cette normativité, quelques initiatives existent : des minorités mentionnées au début de ce texte, seule la cause féministe a su constituer des collectifs afin de faire entendre sa voix. Ainsi existent entre autres le documentaire GTFO de Sun-Higginson (2015), des collectifs de femmes comme Pixelles à Montréal mais aussi Women in Video Games en France… La deuxième minorité qui doucement fait parler d’elle par le jeu vidéo est la communauté LGBTQ+. Celle-ci s’exprime dans la création même des jeux vidéo plutôt que sous couvert d’un réel collectif, comme le jeu A Normal Lost Phone, ainsi que par l’inclusion de personnages et scénarios comportant des histoires ou problématiques de genre, de sexualité. Quant aux personnes racisées ou avec handicaps ? Pour le racisme, il semble que soit reconnue la non diversité et pire, l’usage de stéréotypes de race négatifs dans les jeux vidéo (dernier scandale en date, l’usage d’un continuum colorimétrique allant de blanc à noir dans South Park : the stick of Truth, pour figurer du niveau de difficulté du jeu.). Le grand absent dans la représentation reste le handicap…

On peut facilement constater que la plupart des personnages d’un jeu vidéo sont des héros, avec des capacités extraordinaires ou une habileté particulière : Mario est un plombier doté d’une capacité de saut, de “pouvoirs” dans certains de ses univers, Link (Zelda) possède un attirail d’armes, de pouvoir, Samus (Metroid) possède des armes variées et une combinaison la protégeant de ses ennemis, Snake (Metal Gear) est également un soldat surentraîné et surarmé… La liste est sans fin. Un personnage ayant une limitation fonctionnelle ou cognitive n’est semble-t-il pas une chose qui donnerait envie au joueur de partir à l’aventure, à moins que cela puisse être utile dans la scénarisation ou le game play même du jeu. Fait-on alors uniquement des jeux pour un individu masculin moyen occidental et blanc ne pouvant souffrir d’aucune condition physique ou mentale ?

III ) L’intégration et l’innovation vers plus de reconnaissance
a) les indépendants

À toutes ces questions concernant l’intégration de minorités et quant à l’innovation qu’íl semble impossible d’obtenir dans le jeu vidéo, quelle est la solution ? Se trouve-il dans le paysage vidéoludique un acteur capable de changer les paradigmes ? Oui, et la réponse qui doucement s’impose est : le jeu vidéo indépendant.

Libre des contraintes éditoriales et de productivité, le jeu indépendant doit se démarquer de ses concurrents et pour se faire, doit faire preuve d’ingéniosité. Pineault nous explique dans son étude du marché du jeu vidéo à Montréal que bien que les galons des créateurs de jeux s’acquièrent dans les grands studios, les lettres de noblesse quant à elles, s’obtiennent en sortant des sentiers battus. Cité précédemment et à titre d’exemple, A Normal Lost Phone est un jeu vidéo indépendant qui a vu le jour lors d’une gam jam, soit un événement propice à la création de jeux vidéo en temps et moyens techniques limités. Gagnant de son édition, ce jeu créé par une équipe de trois femmes Françaises à rencontré un succès tel qu’elles ont par la suite pu créer leur propre studio indépendant de jeux vidéo, Accidental Queens.

Ce genre d’histoire est commune dans l’industrie du jeu vidéo indépendant. Quand un de ses acteurs n’a pas la place créatrice nécessaire à son expressivité, comme nous avons pu le découvrir lors de l’entrevue que nous avons eu en cours avec Sabrina Jacques, celui-ci entreprend l’aventure indie. Pour Sabrina Jacques que nous avons eu l’occasion de faire venir à l’Université du Québec à Montréal dans notre cours sur l’industrie du jeu vidéo, après une carrière à Ubisoft Montréal elle a eu l’opportunité de créer et prendre vraiment part au jeu vidéo en développant avec des collègues, leur studio Epsilon. Au sein d’Ubisoft, la création individuelle n’est que peu encouragée, des contraintes administratives retiennent et limitent les esprits créatifs. Partir devient donc une solution, une éventualité de création acceptable.

Au Québec, un collectif rassemble tous ces indépendants, La Guilde (en entier : La Guilde des Développeurs Indépendants du Québec). Les principes d’entraide sont une base fondamentale de La Guilde. Le financement que reçoit chaque studio vient en grande partie du gouvernement (37%), de sous-traitance avec d’autres studios et services et permettent la création d’innovations techniques, culturelles et artistiques que ne permettent plus les grands studios de développement.

Cette liberté nécessaire pour se démarquer est généralement mise au service de gameplay et de scénarios novateurs. Ces espaces de liberté peuvent alors servir à pointer du doigt des problématiques qui peuvent être sociales ou politiques, sans forcément imposer un ton revendicatif qui pourrait faire fuire le joueur. Dans la même lignée que A Normal Lost Phone qui dépeint des problématiques LBGTQ+, on observe des jeux comme Orwell, Papers, Please! ou encore This War of Mine, qui nous parlent simplement et avec intelligence de problématique de surveillance, d’immigration et de survie lors de conflit armé. Ces problématiques sont travaillées afin d’aborder par la psychologie du joueur et des personnages la compréhension des tenants et aboutissants de contextes et situations sociales complexes. C’est par ce que l’on appelle l’UX Design, soit le design de l’expérience utilisateur et la R&D, soit la recherche et développement, que de telles choses sont envisageables. Dès lors, se soucier des minorités et parler d’elles de l’intérieur devient possible ; une transition sociale est en marche.

 

Fin du billet 3 !